Comme chaque année, Amnesty international fait le point de la situation des Droits de l’Homme dans le monde. Si le Bénin a marqué des points en abolissant la peine capitale, c’est le sort réservé aux condamnés à cette sentence qui préoccupent l’organisation internationale qui exhorte les autorités béninoises à aller plus loin.
La nouvelle de l’abolition de la peine capitale a dû réjouir les 14 prisonniers se trouvant dans le couloir des condamnés à mort, et pas seulement. Cette décision a été d’abord saluée par Amnesty International, figure mondiale de la lutte pour la préservation des Droits de l’Homme. Décision tout autant rassurante pour les concernés comme on peut le déduire à travers les propos de l’un d’entre eux. Azonhito Yaovi, 54 ans, se trouve dans le quartier des condamnés à mort depuis 18 ans. Ses propos disent long sur ce que peut ressentir un condamné à mort : « La crainte de la mort est souvent pire que la mort elle-même. Pendant des années, je me suis réveillé en me demandant : est-ce que je vais être exécuté aujourd’hui, demain, dans quelques mois ou dans quelques années ? »
Pourtant le bout du tunnel n’est pas atteint, du moins pas pour le moment. Car un an après la prise de cette décision par la justice, et bien qu’étant informés qu’ils ne seront pas exécutés, les 14 détenus sont toujours incarcérés à la prison d’Akpro-Missérété, près de Porto-Novo. Une situation qui n’est pas du goût de l’Organisation, qui la définie comme une « situation d’incertitude cruelle ». « Ces hommes ont déjà passé près de 20 ans dans le quartier des condamnés à mort, à se demander si chaque jour qui passe sera le dernier ou non » a déclaré Oluwatosin Popoola, conseiller d’Amnesty International sur la peine de mort. Et ce n’est pas tout. En dehors de l’incertitude qui plane sur le sort de ces détenus, ce sont leurs conditions d’incarcération qui suscite l’incompréhension. Le rapport précise que « les accusés continuent à vivre dans des conditions déplorables, sans bénéficier d’une alimentation suffisante ni de soins médicaux dignes du nom ». Plus loin, on peut lire que « lorsqu’un de ces prisonniers est puni pour mauvaise conduite, ce sont tous les condamnés à mort qui sont enfermés dans leur cellule pendant plusieurs jours, ce qui constitue une sanction collective ».
Selon l’un des condamnés à mort, les moments les plus difficiles sont ailleurs : « Lorsque nous sommes malades, nous dépendons de l’aide que l’on peut obtenir de l’extérieur. Si vous avez de l’argent et de la famille pour avoir un traitement, vous survivez. Si vous n’en avez pas, vous mourez » ajoutera Fataï Bankolé.
Une loi encore rigide selon Amnesty International
L’histoire remonte à la fin des années 1990, en 1998-1999 plus précisément, quand les 14 individus ont été déclarés coupables. Ces hommes avait été alors accusés de diverses infractions parmi lesquelles des vols à main armée et des agressions. Selon l’organisation néanmoins, ces infractions ne répondent pas à la définition de « crimes les plus graves », seule catégorie pour laquelle la peine de mort peut être imposée aux termes du droit internationale. Leur sort aurait même pu être moins dur à en croire le rapport publié par Amnesty. On peut y lire que « un grand nombre de ces hommes ont déclaré qu’ils n’avaient pas été en mesure de contester efficacement leur condamnation, parce qu’ils ne pouvaient pas s’offrir les services d’un avocat ou qu’on ne leur avait jamais fait part de l’issue des recours qu’ils avaient formulé. » Les choses auraient dû être différentes selon les responsables d’Amnesty qui s’emploient à les faire changer. Ils invitent ainsi les autorités béninoises à « veiller à ce que les détenus bénéficient d’une assistance judiciaire afin de poursuivre tout recours en suspens ou de solliciter une révision judiciaire ». Mieux, Amnesty International milite pour une commutation des peines prononcées contre tous les hommes détenus dans le quartier des condamnés à mort.
Le Bénin est devenu le 104ème pays au monde et le 19ème en Afrique sub-saharienne à abolir la peine de mort pour tous les crimes. Cependant le Bénin est invité à « inscrire l’abolition dans le droit afin qu’il ne puisse y avoir aucune possibilité de revenir sue cette avancée. » Cela y va de la protection des Droits humains, notamment du droit à la vie, tandis que selon le rapport « trois détenus avaient trouvé la mort en raison de l’insuffisance des soins médicaux prodigués lorsqu’ils étaient à la prison de Cotonou, avant leur transfert à la prison d’Akpro-Missérété en 2010. »
Herman Ahouandé



