L’opération de libération du domaine public a eu une résonnance différente au sein de l’opinion publique. Ceux qui ne peuvent pas s’estimer heureux, ce sont les victimes qui ont dû se plier à la loi au risque de voir leurs installations réduites en poussière. La plupart des occupants désormais à la maison, souhaite un recasement pour la reprise de leurs activités.
Maman Sèna est l’une des victimes de l’opération « Libérer le domaine public » voulue par le gouvernement. Depuis le 31 décembre 2016, date butoir de cette opération, elle a dû ranger sa baraque pour ne pas assister à sa démolition. Pour elle, c’est une période de vache maigre qui s’est ouverte : « C’est avec beaucoup d’amertume que j’ai appris la nouvelle de la libération impérative du domaine public. Je suis devenue très soucieuse en pensant notamment à comment nourrir ma famille et prendre en charge mes besoins personnels. »
Pour d’autres commerçantes par contre, la désolation s’est avérée plus grande. En dépit de l’obligation de libérer leurs locations, certains occupants ont assisté impuissants, à la démolition de leurs installations. Les pertes se comptent par milliers de francs par endroit. Dame Josiane, une coiffeuse basée au quartier Aïbatin a perdu non seulement les installations qui lui servaient de local, mais aussi ses accessoires de travail suite aux passages des ‘’caterpillars’’. La situation est identique pour les commerçants et autres occupants de l’espace publique qui par négligence, entêtement ou lenteur, ont vu l’échéance arriver comme un voleur. Si l’opération qui vise à « viabiliser les domaines publics et sécuriser la ville de Cotonou » n’est pas mal vue par les victimes, c’est le temps imparti pour mettre en exécution la décision qu’elles déplorent. « Nous n’avons rien contre la volonté du gouvernement de libérer l’espace publique. Seulement on aurait pu nous donner un peu plus de temps pour prendre nos dispositions. Avec plus de temps, on aurait pu trouver d’autres emplacements pour nous installer » s’est indignée dame Henriette, commerçante à Gbèdjromédé.
Là où le bât blesse…
Le mal est fait dira-t-on dans la plupart des zones ciblées par l’opération. Pour les victimes en revanche, la pilule est dure à avaler. En dépit des pertes liées à la destruction de leurs installations et autres marchandises ou accessoires de travail, la quasi-totalité des occupants s’étaient installés sur la base d’accords signés avec les services municipaux. En vertu de ces accords, les occupants ont dû verser d’importantes sommes pour avoir le droit de s’y installer, comme le témoignent l’une d’elles : « Je me suis installée de commun accord avec la Mairie à qui j’ai versé 100 000 f CFA » déclare l’une des victimes. Son amertume est partagée par plus d’un, dont la première autorité de la zone Agla-centre. Les victimes se trouvent coincés par les deux institutions, municipales d’un côté et gouvernementale de l’autre, qui n’ont pas fait preuve de coopération selon Charles Ahoussinou : « Le temps est vraiment court pour permettre aux opérateurs occupant le domaine public de trouver des solutions convenables. L’idéal aurait été de penser à les recaser dans un premier temps avant de les obliger à quitter leurs locations ou tout au moins de les indemniser. » C’est une situation délicate pour ces citoyens qui se sentent « trahis » selon les propos de dame Henriette qui rappelle aussi les taxes mensuelles de 3 mille francs perçues par les services municipaux.
Et maintenant ?
Pour la plupart des victimes, c’est l’arrêt quasi-total des activités économiques, à l’exception de quelques unes qui se sont trouvé des alternatives. Le vœu des moins heureux, c’est que l’horizon s’éclaircisse assez rapidement. Pour l’instant, certains sont encore contraints de rester chez eux. D’autres, se trouvent des solutions de consolations ; c’est le cas de Maman Sèna qui s’était installée devant la maison des jeunes d’Agla il y a un peu plus de six mois. Chaque soir, cette mère de cinq enfants monte son petit commerce : une chaise, une étagère, un parasol…pour tenter d’attirer encore les rares clients qui passeraient encore par son chemin. Malgré l’amertume, c’est pour elle un recours inévitable qui a son sens : « Je suis obligée de faire ainsi pour le moment en espérant de trouver un autre emplacement. J’ai fait des prêts il y a peu de temps, pour renforcer mon capital et je dois payer ces dettes. » Officiellement, aucun projet de recasement n’est encore évoqué ni par la Mairie de Cotonou, encore moins par le gouvernement. Si dans la mêlée, une frange des victimes a pris sa responsabilité, certains s’activent encore ou remettent leur sort entre les mains de la municipalité. Quoi qu’il en soit, ce début d’année ne sera pas porteur de bons souvenirs pour les victimes.
Herman Ahouandé



